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1935
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N°1, 16 au
31 octobre 1935
Au
lecteur par Jacques DUBOIN
Notre
journal : La Grande Relève
PLAN!
par Carl SPAMPINATO
L'économie
prime la politique, par A. D.
Le
Chômage, par un
ouvrier chômeur
L'heure
du technicien, par Ch. D. FABER
A
travers le monde
Les
progrès techniques : la marée montante
La
destruction des richesses :
Une
statistique de débacle
Une histoire comique : les cochons
américain, par
Ed. CHARPENTIER
Dans
l'aviation, par A.S.
Les
méfaits de l'économie... dirigée par la rareté
La vie juridique : la révolution des décrets-lois, par Marcel BLOCH
La
vie médicale : la ligue de la médecine par H. JAWORSKI
Chronique
des loisirs
Groupe
DYNAMO, par JOVE
Nouvelles
Energies Féminines par Marguerite RODE
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Au lecteur
Le «Droit au travail» est un groupement
d'hommes qui se refusent d'admettre qu'il y ait toujours plus de misère
sous prétexte, dit-on, qu'il y a trop de tout!
Trop de misère! oui. Trop de choses utiles? Allons donc! comment
ose-t-on parler de surproduction dans un pays où tant de familles
manquent du nécessaire?
Trop de tout! Mais ne voilà-t-il pas que l'on détruit
les choses utiles : on dénature le blé, on arrache les
vignes, on détruit des métiers. Or déjà
l'industrie et l'agriculture vont au ralenti!
Nous glissons ainsi tous dans la misère, au nom de principes
économiques qui sont faux, archi-faux, car la science les a mis
définitivement en déroute.
Le groupement «Droit au travail» le démontre et le
répète partout.
***
Pourquoi s'appelle-t-il «Droit au travail»?
Parce que, dans la société actuelle, celui qui n'a rien
est obligé de travailler s'il veut vivre et faire vivre les siens.
La société lui doit donc du travail, puisqu'elle en a
fait l'équivalent du droit à la vie.
Mais la société actuelle peut-elle assurer du travail
à tout ceux qui en réclament? Non. La présence
de 30 millions de chômeurs dans le monde suffirait à le
prouver, si le raisonnement ne permettait pas de démontrer que
le chômage ne peut qu'aller en augmentant, au fur et à
mesure que la science relève l'homme de son labeur. En conséquence,
la société actuelle doit se transformer au plus tôt.
Dans quel sens? Dans le sens de l'adaptation sociale aux prodigieux
progrès de la science qui ont permis de créer un fond
commun de civilisation appartenant à tous les hommes, car ce
sont toutes les générations antérieures qui ont
permis de le constituer. On doit passer du stade de la civilisation
de la rareté , au stade de la civilisation de l'abondance, en
répartissant, entre tous, les travaux encore nécessaires
et les loisirs heureux.
***
Cette transformation s'effectue toute seule, petit
à petit, mais au prix de souffrances, de misères, peut-être
même de guerre civile.
On peut et on doit l'éviter, si les élites le comprennent
et l'exigent.
***
Le «Droit au travail» accueille tous les
hommes et les femmes de bonne volonté, sans se soucier de leur
origine, ni de leurs convictions politiques.
Notre groupement ne cherche pas à créer un nouveau parti.
Ne sont-ils pas déjà trop nombreux?
Il ne noyaute aucun parti existant. Bien au contraire, au radical il
dit : reste radical, au socialiste, il dit : reste socialiste, au communiste,
il dit : reste communiste, au ligueur de droite ou de gauche, il dit :
rest ligueur si cela te fait plaisir, mais à condition de ne
pas cogner sur celui qui n'est pas de ton avis : la violence n'a jamais
convaincu personne.
Mais radical, socialiste, communiste, ligueur dis à tes camarades
de parti ou de ligue : le seul problème qu'il faut résoudre
est celui de savoir comment chacun de nous va pouvoir vivre demain!
Il existe une solidarité étroite - qu'on le veuille ou
qu'on ne le veuille pas - qui nous soude les uns aux autres et fait
que nous sombrerons tous dans la misère, ou que nous vivrons
tous heureux dans l'abondance. Personne ne se sauvera en faussant compagnie
aux autres.
***
Le «Droit au Travail» présente au
lecteur le premier numéro de son organe : La Grande Relève
des Hommes par la science. Il est rédigé bénévolement
par des hommes qui se sont sont réunis pour faire une active
propagande en faveur de ce qu'ils appellent : la «civilisation
de l'abondance».
Tous ceux qui sont de notre avis devraient nous apporter leur collaboration.
On ne sera jamais trop nombreux pour faire comprendre que « détruire
des choses utiles aux hommes et même les empêcher de les
créer, c'est reculer les limites de la bêtise humaine».
Jacques DUBOIN
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Notre journal : La Grande Relève
Notre Ligue, née il y a seulement quelques mois,
est fière de souhaiter aujourd'hui la bienvenue à son
journal La Grande Relève.
Jacques Duboin, infatigable et dévoué, a accepté
d'assumer le poste de rédacteur en chef et, à ses côtés,
une équipe de propagandiste ardents dont quelques-uns ont déjà
acquis la notoriété, va, sous son parrainage, présenter
au public les travaux, les conclusions et les espoirs de notre chère
Ligue, dans l'esprit de fermeté et de modération qui lui
est propre.
La grande relève qui sera bimensuelle à partir de ce numéro,
était devenue une nécessité, en raison du recrutement
intensif des membres de la Ligue, dont l'effectif enfle à une
cadence des plus réconfortante. Notre journal entend donc être
le lien entre toutes ces bonnes volontés surgies de partout et
impatientes de s'employer utilement : car chacun se rend bien compte
aujourd'hui que les événements marchent plus rapidement
que jamais et qu'il faut agir ou risquer de périr.
La Grande Relève entend aussi préciser la position de
la Ligue tout entière en face de l'opinion publique et, prenant
ses responsabilités, saura faire entendre sa voix, quelque intérêt
ou quelque préjugé qu'elle ait à affronter.
Réaliste obstiné, notre journal s'adresse, par-dessus
toutes les rivalités et toutes les métaphysiques à
cette section de l'opinion qui, dans tous les camps a su rester saine
et honnête et pour qui l'intérêt national bien compris
est le mot d'ordre.
C'est donc de grand coeur que la Ligue tout entière souhaite
aujourd'hui succès et longue vie à la Grande Relève
et félicite tous ceux qui, au premier appel, ont su concerter
leurs efforts et aboutir en un temps très court à assurer
matériellement et moralement le départ du journal.
La Ligue pour le travail et le progrès social.
Attention!
On se propose de détruire des emplois à
Lyon
On a déjà commencé dans le Nord.
Il paraît qu'on veut continuer à Lyon.
Sont dans le complot : le syndicat des fabricants de soieries, la Chambre
syndicale du tissage mécanique à façon, le Syndicat
général de moulinage, et, bien entendu le Ministère
du Commerce.
On se propose de mettre une contribution volontaire sur les matières
premières, afin de gager un emprunt.
Celui-ci serait destiné à certaines opérations
sur le matériel.
Vous avez compris?
Avec cet argent, on achètera des métiers que l'on enverra
à la ferraille.
C'est pour résorber le chômage, Monsieur le Ministre de
Travail?
Laisserez-vous faire votre collègue du Commerce?
Et qu'en pense M. Herriot, ministre d'Etat et maire de Lyon?
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PLAN!
Nous croyons utile de mettre, sous les yeux de nos lecteurs,
le bel article «Plan», paru sous la signature de M. G. Spampinato,
dans la revue Comprendre ou périr! publiée par la section
de notre groupe dans l'Afrique du Nord.
*
On a pu dire que l'année 1935 était une
année «planifère» en ce sens que toute une
floraison de «plans» visant à enrayer «la crise»
a fait son apparition cette année, élaborés par
des groupements et des individus.
Le fait est symptomatique. Cette éclosion n'aurait pas eu lieu
avec ce formidable ensemble si la nécessité d'un plan
ne s'était pas fait sentir; et, si ces plans ont choisi cette
année pour éclore, c'est que le mal y a atteint une acuité
hors de pair qui fait songer à son apogée.
Le nombre même de ces plans justifie donc la nécessité
d'un plan.
Mais un plan doit être une solution et une solution ne peut être
bonne que si elle tient compte de tous les éléments du
problème, c'est-à-dire, dans le cas qui nous intéresse,
de toutes les causes de «la »crise.
Quels sont ces éléments?
Pour certains, la mévente. mais la mévente est une conséquence
et non une cause.
D'autres s'imaginent que c'est la méfiance. C'est encore une
conséquence.
D'autres encore «la corruption des parlementaires», l'immoralité,
la baisse des prix, etc.. Ce ne sont toujours que des effets.
La cause, la véritable cause, c'est l'abondance créée
par le progrès technique et le machinisme.
Beaucoup l'on déjà reconnu : mais alors, ils n'ont essayé
que d'un remède : la destruction systématique de l'abondance.
Mais l'égoïsme même de ceux à qui cette destruction
devait profiter s'en est trouvé offensé.
Car, d'une part, chacun ne veut détruire que ce qui est produit
par son prochain et , d'autre part, cette destruction ou la limitation
du rendement de la production diminue le pouvoir d'achat des consommateurs
et, par conséquent, raréfie le client.
Il ne reste donc qu'une seule catégorie de solutions : ce sont
les solutions antiégoöstes et anti-individualistes, puisque
désormais l'expérience a montré l'interdépendance
et la solidarité de tous les individus, même malgré
eux.
Mais toutes ces solutions doivent tenir compte, en premier lieu, du
fait nouveau qui caractérise l'époque nouvelle : notre
entrée indiscutable dans l'ère de l'abondance. Ce fait
nouveau appelle des mesures nouvelles, taillées à son
envergure. Plus de raccommodage, plus de petitesse, plus de restrictions
sordides, plus de déflation, d'inflation, de dévaluation.
Il ne s'agit plus d'économiser, il faut, au contraire, largement
consommer et profiter de toute l'abondance dont les millénaires
d'efforts humains nous ont dotés à jamais.
Ce premier point étant acquis, examinons si le problème
peut avoir des solutions financières dans le cadre de l'économie
actuelle.
On a déjà essayé de la déflation, de l'inflation,
de la dévaluation; aucune de ces expériences n'a donné
un résultat positif, parce que toutes ne consistent qu'à
diminuer le pouvoir d'achat des masses, donc à aggraver ce qu'on
appelle «la crise».
Actuellement, on tente de mettre en avant le principe d'un emprunt ou
d'un prélèvement sur la capital pour financer de grands
travaux, lesquels résorberaient tout ou grande partie du chômage.
Mais pendant combien de temps?
Est-ce qu'on compte sur le retour des vaches grasses?
Elles sont paraît-il, déjà bien trop opulentes.
Certains préconisent alors de rendre cette solution permanente
en un impôt sur le capital.
Le mécanisme de ce principe est même passionnant :
Vous avez un gros caillot de sang en un point précis de votre
corps. Le reste de votre être, exangue, s'atrophie et se meurt,
quoique un plantureux repas embarrasse votre estomac et que vous êtes
dans un site merveilleux où l'air est le plus pur et le plus
vivifiant.
Quel est dans ce cas le rôle du médecin?
Décongestionner ce point et activer le coeur qui va pomper le
sang de caillot pour le refouler et le répartir ensuite partout
et ainsi drainer toutes les richesse de votre estomac et de l'air ambiant
dans toutes les moindres parties de votre corps.
En terme social, le sang, agent de circulation des richesses s'appelle
la monnaie; le caillot, ce sont les coffres-forts qui figent l'argent.
La congestion, c'est la thésaurisation, le trust des capitaux
par les grosses banques dirigées par les quelque deux cents magnats
de la finance. La pompe aspirante - foulante - coeur est représentée
par l'Etat; le massage, c'est l'impôt sur le capital et le refoulement
dans toutes les parties du corps se traduit par la mise en oeuvre de
grands travaux, la mise à la retraite, payée, des vieux
travailleurs et l'exécution d'un grand programme d'assistance
sociale.
Le pouvoir d'achat étant ainsi restitué à tout
le monde, les excédents auront tôt fait de se résorber
et il faudra de nouveau faire tourner les usines à plein rendement,
pour satisfaire tous les besoins accrus qui, désormais, se manifesteront.
Mais que se passera-t-il alors, indépendamment de l'hostilité
prévue (et loin d'être négligeable) que va soulever
cette opération dans les milieux intéressés?
Ce prélèvement sur le capital sera probablement, pour
être efficace, supérieur ou au moins égal au profit
que ce capital donnera à son professeur, au moment de la reprise.
C'est donc, d'une façon détournée, la suppression
du profit ou sa limitation à un taux insignifiant.
Mais si cette disparition est inévitable et si on est d'accord
pour la légitimer, pourquoi employer ce grand détour?
Pourquoi ne pas la décréter franchement?
Tout le problème revient alors à trouver un autre mode
de distribution des richesses que celui basé sur le profit.
Et voilà à quoi tendent tous nos efforts.
Nous ne visons rien de moins, en effet, par nos études et notre
action, qu'à mettre tous les atouts entre les mains d'un gouvernement
qui naîtrait d'un mouvement populaire.
«Nous voulons pouvoir dire à ce gouverment, lors de son
avènement :
Les hommes sont là;
Les machines sont là;
Les matériaux sont là;
Pour cela, il faut, en quelques sorte, dresser la carte d'état-major
économique du pays.»
C'est à quoi s'évertuent le «groupe Dynamo»
et «Le Club d'Action Economique».
Il faut enfin préparer toutes les masses à comprendre
les solutions nouvelles qui s'élaborent dans nos commissions,
et à se rendre compte qu'elles sont les seules efficaces.
C'est à quoi oeuvrent avec le «Club d'Action Economique»,
les jeunes équipes de la «Ligue pour le Droit au Travail».
Carl SPAMPINATO
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L'économie prime la politique
La révolution n'est pas à faire, elle
est faite. Les Français qui pensent sont en majorité révolutionnaires;
cette majorité ne croît plus du tout à la possibilité
d'un redressement par la simple révolution. On dit que les révolutions
sont faites par des minorités; c'est exact par rapport à
la totalité de la population. Mais si l'on ne tient compte que
des individus susceptibles de penser pour que la révolution soit
faite, il faut aussi que la majorité de ceux-ci soient révolutionnaires.
Il reste aux révolutionnaires à prendre le pouvoir, soit
par le bulletin de vote, soit par un coup de force. La prise de pouvoir
ne donnera de bons résultats que si l'esprit révolutionnaire
est suffisamment évolué! La prise de pouvoir, si elle
est prématurée, même si elle vient à la suite
d'un vote légal, et à plus forte raison si elle vient
d'un coup de force, est néfaste : cela constitue même un
moyen de défense pour les conservateurs (l'expression «conservateurs»
s'entendant comme l'opposé de «révolutionnaire»
et non dans son sens de parti politique). Si, par contre, sont suffisamment
instruits, éduqués, évolués, la prise de
pouvoir même par un coup de force (car les gens en place peuvent
reporter les élections ou les truquer matériellement ou
moralement) est souhaitable, car, dans ce cas, le coup de force coûtera
peu de sang, si même il en coûte.
L'esprit révolutionnaire est suffisamment évolué
quand les révolutionnaires sont devenus «plus révolutionnaires
que partisans», quand ils sont disposés à admettre
une expérience, même si leur solution personnelle est différente,
plutôt que de maintenir un statut quo qui prolonge une agonie
sans espoir. Il est d'autant plus facile de faire admettre à
un révolutionnaire une expérience en dehors de sa propre
théorie, que la solution adoptée ne sera pas celle d'un
autre révolutionnaire qu'il a pu avoir l'occasion de combattre.
La révolution à laquelle nous assistons est essentiellement
économique. La politique dans les pays où les révolutionnaires
ont pris le pouvoir (U.R.S.S., Italie, Allemagne) n'ayant pour but que
d'adapter le pays à une théorie économique adoptée
une fois pour toute.
En France, l'argument politique est habilement exploité par les
conservateurs, notamment les notions de patrie, nationalisme, internationalisme,
pour diviser les partis révolutionnaires et les empêcher
à tout prix de se rejoindre sur le plan économique. Le
régime français capitalisme-libéral, disparu en
fait, continue à exister officiellement en attendant la prise
de pouvoir par les révolutionnaires. Afin d'éviter un
arrêt absolu de la vie économique par suite de la carence
totale du système, les gouvernements qui gèrent le pays
au nom de système disparu, et qui semblent susceptibles de prendre
des mesures révolutionnaires, y ont été bel et
bien contraints. Lorsqu'on passe du débit de coalition et de
hausse illicite o la coalition par décrets dans le but de provoquer
une hausse des prix, il s'agit en toute évidence de mesures révolutionnaires
(ou tout au moins incohérentes).
Les mesures prises l'ont été dans le sens «fasciste»
qui représente le moindre mal par rapport à l'économie
capitaliste, puisqu'on détruit les richesses, plutôt que
de les distribuer, afin de sauvegarder le profit. Les révolutionnaires
se partagent en deux dont les querelles politiques sont exploitées
par les conservateurs, et dont la divergence réelle est purement
économique. En effet, les révolutionnaires à tendance
fasciste veulent ramener la production à la hauteur de la consommation
pour faire renaître le profit. Les révolutionnaires à
tendance collectiviste veulent ramener la consommation à la hauteur
de la production, celle-ci étant poussée à fond,
et le profit disparaissant du fait de l'abondance.
Les révolutionnaires à tendance fasciste ont un sens de
la collectivité qui, sans être total, est assez développé,
par opposition au système capitaliste, incapable de tout sens
collectif sous peine de disparition. Ils veulent en effet, supprimer
les abus du grand capitalisme et redonner à chacun le goût
du risque et de la responsabilité. Ils emploient les mots : patrie,
nation pour désigner la collectivité du pays, telle qu'ils
la conçoivent, la supposant épargnée des inégalités
abusives et ne conservent que des inégalités estimées
utiles par eux. Les révolutionnaires à tendance collectiviste
ont un sens total de la collectivité.
Ils pensent qu'on ne peut supprimer les abus du capitalisme qu'en supprimant
le capitalisme lui-même. Ils veulent remplacer le goût du
risque individuel par la notion du service rendu, et sont également
partisans du principe de la responsabilité, mais vis-à-vis
de la collectivité et non par rapport à l'intérêt
du responsable ainsi que l'établit le système fasciste.
Ils ne conçoivent l'idée de patrie et de nation qu'à
travers la collectivité, pensant que ne seront dignes d'être
défendus que les nations où le patrimoine appartient à
la collectivité et non pas à un certain nombre d'individus.
Cette notion de patrie en relation avec la possession du patrimoine
national les amènent aux théories internationales, car
ils pensent que les collectivités ne peuvent avoir aucun intérêt
à la guerre, laquelle ne peut profiter qu'à quelques-uns
au détriment de tous.
Ces deux notions de la patrie qui forment la seule divergence politique
sérieuse entre les deux grands groupes révolutionnaires
français, ne sont inconciliables en aucune façon, nous
voulons en voir la preuve dans les mesures franchement collectivistes
prises ces derniers temps en Allemagne et en Italie, et bien propres
à amener dans les cerveaux collectivistes l'idée de patrie;
et dans les discours favorables à l'idée de patrie en
faveur de l'armée et de la défense du patrimoine national
en U.R.S.S., bien propres également à amener les esprits
fascistes à concevoir l'idée de patrie collectiviste.
Reste : la différence de conception économique. Que les
fascistes italiens et allemands n'aient pas songé à organiser
l'abondance en produisant à plein, et en élevant le pouvoir
d'achat de la masse à la hauteur de la production, cela provient
uniquement de leurs origines anticollectivistes. (Nous voyons maintenant
ce qu'est devenu l'anticollectivisme dans ces deux pays où il
ne subsiste plus qu'en parole, - et encore - mais est complètement
abandonné dans les actes). Cela provient aussi de ce que, dans
des deux pays, si l'abondance industrielle est possible (sauf importation
de matière première pour l'Italie surtout), l'abondance
agricole et dans le domaine du futur ou dans le domaine de l'internationalisme.
Les gouvernants italiens et allemands, s'ils ont volontiers réduit
les production industrielles pour maintenir le profit, n'ont pas eu
à réduire les productions agricoles. Au contraire, surtout
en Italie, où un gros effort a été fait en faveur
de l'augmentation de la production agricole, et notamment du blé.
Que ces pays n'aient pas songé à s'organiser sous le signe
de l'abondance se conçoit donc.
Que l'U.R.S.S. ait osé le faire, et cela dans un moment où
elle manquait de tout, cela se conçoit aussi, car ses dirigeants
et ses savants connaissaient les possibilités du sol national
en toutes choses.
Le difficile était, au contraire, de supprimer au début
le profit sous le signe de la rareté, car, au fur et à
mesure de la venue de l'abondance, l'absence de profit coule de source.
Et la France?
Elle n'a plus de régime économique défini.
Il faut en organiser un. Sous le signe de la rareté des produits?
Ou bien sous le signe de l'abondance?
Les Français qui pensent que la France doit et peut vivre sous
le signe de la rareté des produits industriels ou agricoles,
aiment peut-être beaucoup leur pays, mais ne connaissent rien
de ses ressources.
En ce moment, sous l'empreinte d'un long passé de disette, nous
faisons des efforts inouïs pour essayer d'organiser la rareté,
sans cependant y parvenir.
Pense-t-on rassurer les paysans français en leur expliquant que,
grâce à la mauvaise récolte en blé de cette
année (ce mauvais n'est que relatif), les choses vont s'arranger?
La hausse du blé par suite de la récolte moyenne et juste
suffisante, peut être transformée en victoire gouvernementale,
quoique le gouvernement n'y soit pour rien de tout; mais c'est en tout
cas une défaite paysanne : morale et matérielle, car à
qui sert de vendre le blé plus cher si on vend moins?
Et puis, vendre le blé plus cher à qui?
Aux ouvriers? Aux fonctionnaires? Alors, on va les augmenter.
Mais non? On les diminue. Alors qui paiera la hausse?
Dans un pays où l'abondance est naturelles par la valeur du sol
et le génie de ses habitants, on ne peut pas organiser la rareté,
et les essais qui sont faits ne peuvent qu'abattre le moral des citoyens
puisque leur niveau de vie ne cesse de diminuer.
Alors, la seconde solution, l'Organisation de l'Abondance? Oui, car
rien ne s'y oppose. Toutes les conditions techniques sont non seulement
réalisées, mais ne permettent pas d'autre solution. Les
conditions doctrinales seront réalisées demain si nous
voulons bien ne pas copier ce qui s'est passé à l'étranger.
Tous les Français sont partisans de l'abondance, mais ils la
conçoivent sous forme d'abondance d'argent. Ils veulent tous
avoir beaucoup d'argent. Pour quoi faire? Pour bien vivre, se nourrir,
se loger, prendre des loisirs, et assurer leurs vieux jours. Qu'ils
ne ramènent donc plus tout à l'argent, et cela deviendra
immédiatement possible.
Les Français le savent, et le sentent au fond d'eux-mêmes,
et il est bien difficile de les persuader de la nécessité
de faire pénitence au milieu des richesses qu'ils voient inutilisées.
Au profit de qui? Au profit de quoi?
Pour faire régner l'abondance, il faut organiser la production
au profit de la collectivité, mais il est absolument inutile
de collectiviser la consommation, car cela n'est utile qu'en régime
de rareté.
Les Français sont individualistes,. Ils pourront l'être
encore plus en augmentant leurs loisirs. Les Français aiment
la propriété : il y a en France du sol, et des pierres,
et de la main-d'oeuvre pour tout le monde.
La majorité des Français conçoit-elle encore que
les différentes qualités, et notamment l'intelligence,
doivent conférer des avantages à ceux qui en sont pourvus?
Surtout, disent certains, que les différences sociales sont utiles
à l'émulation.
La collectivisation des moyens de production ne s'oppose pas du tout
à ce principe, car il ne s'agit pas de collectiviser des hommes.
Les paysans propriétaires de leur terre ne veulent pas qu'on
la leur prenne! Qu'ils se rassurent! Il ne s'agit pas de cela, puisque
l'abondance existe dès aujourd'hui, alors qu'ils en sont propriétaires.
Mais si on leur offre de puissants moyens de travail à très
bas prix, tout en leur assurant la vent de leurs produits à des
cours fixes, refuseront-ils en échange de suivre des directives
techniques, qu'ils pourront du reste contrôler, tout en observant
pour leur main-d'oeuvre un contrat de travail permettant à celle-ci
de vivre aussi dans l'abondance?
Les Français aiment une monnaie stable. Pourquoi? Parce qu'une
monnaie stable doit assurer la stabilité des prix.
Pourquoi ne pas s'assurer cette stabilité par l'organisation
de la distribution de marchandises? Gager de la monnaie par de l'or
est défendable, tant que l'or a une valeur internationale; mais
baser la valeur de la monnaie sur l'or, marchandise étrangère
que nous devons importer, est tout à fait contraire aux intérêts
de la France.
Les Français, à de rares exceptions près, conçoivent
la nécessité de la défense nationale, mais ils
n'aiment guère être soldats. - Pourquoi? - Parce que l'armée
est démodée.
Si la valeur technique du Haut Commandement est certaine, l'organisation
sociale de l'armée est en retard de cent ans : nourriture, habillement,
casernement, sport, bibliothèque, exercice des religions, tout
cela date de la campagne d'Algérie. Et le Français de
20 ans s'y sent dépaysé, brimé moralement et matériellement
au détriment de la valeur de l'armée.
Il faut que l'Armée profite de l'abondance. L'abondance nous
permet d'avoir une armée supérieurement outillée,
la mieux nourrie, la mieux habillée, etc.; mais, là comme
ailleurs, on économise!!! On économise quoi? du fer, du
charbon, de l'électricité, de la viande, du blé,
des pierres. Pourquoi? Puisque nous en avons trop.
On pourrait continuer ainsi dans tous les domaines. Alors nous direz-vous,
il faut un plan; encore un plan qui sera démodé quand
il faudra s'en servir? Non, seulement un recensement exact des richesse
du pays, et la volonté de les exploiter à fond : c'est
tout ce qu'il nous faut!
Quand on a un poulet pour 10 personnes, il faut un plan! Quand on a
un poulet pour 4, il n'y a qu'à choisir. Quand on a un poulet
pour 2, on n'a même plus besoin de choisir. Une directive et c'est
tout!!!
Celui qui produit une richesse est un bon Français. Celui qui
détruit... une richesse, qui dénature le blé, qui
arrache de la vigne est un traître à la nation.
A.D.
IL FAUT!
L'abolition définitive de la Pauvreté
par le pouvoir de la Technique moderne, rationnellement mise au service
de tous par un Etat populaire, fort et discipliné.
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LE CHOMAGE
Que signifient ces clameurs? ces lamentations?...
Honnie soit la République, qui trouble notre quiétude
et provoque notre insomnie, clament les riches bien pensant.
Honnie soit la démocratie qui ne dispense plus les richesse comme
avant, au seul profit de la gent parasitaire, qui professe la vertu
des fortunes faciles, se lamentent les moralistes vertueux de la religion
du capital.
Que se passe-t-il donc? La crise!
Mais la crise au sens calamiteux du mot, puisqu'elle atteint les fortunes
respectables.
La crise qui ébranle les bases du temple du veau d'or.
Alors quoi? Eh bien! c'est le chômage.
Le chômage c'était la pénitence avant la rédemption,
tant qu'il n'affectait que la classe des salariés inférieurs.
Mais, du moment qu'il dépasse les limites traditionnelles et
menace ceux d'en haut, le chômage devient la maladie honteuse
du régime.
***
Le chômage, c'est du travail libéré
qui, par une contradiction monstrueuse, se transforme en misère
pour les travailleurs et ruine pour la société.
Libérés du travail, les chômeurs sont aussi libérés
de la consommation. Mais, sans consommation, que devient la société?
Comment établir le bilan de la comptabilité sociale?
***
Impossible de connaître le chiffre exact des
chômeurs en France.
Les statistiques officielles sont à dessein imprécises
et incomplètes.
Ces statistiques donnent pour 1932, 219 000 chômeurs de plus
qu'en 1931, dont le chiffre n'était que de 54 000.
De 1932 à 1934, le nombre des chômeurs a augmenté
de 48 666 par an en moyenne.
En 1935, il était supérieur de 39 000 à celui
de 1934.
Pour les mois de janvier jusqu'au mois d'août de cette année,
la moyenne des salariés en chômage a été
de 438 000.
Ces chiffres, donnés, par les services des fonds de chômage
et de placement, correspondent à une population d'environ 18
millions d'habitants, puisqu'il n'y a qu'un petit nombre de communes
en France qui paient des secours de chômage.
Or, comme la population es t d'environ 40 millions d'habitants, il n'est
pas exagéré de dire qu'il y a en France au moins un million
de chômeurs.
D'ailleurs, les assurances sociales peuvent jeter un peu de lumière
dans l'obscurité, peut-être voulue, des statistiques officielles.
Il y avait 10 millions environ de travailleurs assurés obligatoires;
il n'y en a plus que 7 millions environ aujourd'hui. Que sont devenus
les autres?
D'autres part, si la crise est un progrès réalisé
par la science, le chômage est une étape dans l'évolution
de l'humanité, ce qui prouve bien que celle-ci ne peut pas reculer
mais avancer.
Pourquoi les ouvriers ne déclareraient-ils pas, d'accord en cela
avec la science, que le chômage doit être transformé
en loisirs? Pour cela il suffirait de le répartit entre tous.
Nous atteignons là la plus haute conception de la révolution.
***
Le ministre du Travail actuel nous donne à ce
sujet des chiffres qui n'infirment pas notre idée.
« Il y a, dit-il, 7 000 000 de travailleurs salariés en
France.
« Sur ces 7 millions de salariés, il y en a 4 000 000 qui
travaillent 48 heures par semaine, 2 000 000 qui ne travaillent que
30 heures, ce qui fait 252 000 000 d'heures de travail par semaine.»
Or, il reste en effet un million de chômeurs.. Alors, de deux
choses l'une : ou l'on conservera le régime actuel, et il y a
un million de salariés mis à la retraite; ou on répartira
les 252 000 000 d'heures de travail entre les 7 000 000 de salariés
et nous aurons alors lé semaine de 36 heures, et la journée
de 6 heures; le chômage sera résorbé, officiellement
parlant. Il resterait à déterminer le taux de salaire
selon le rapport de la production et les besoins de la consommation,
pour résoudre définitivement la crise.
Qu'en pense le ministre?...
L'OUVRIER CHOMEUR.
IL FAUT!
Réveiller le parlement où le jeu absurde
des partis continue. Les intrigues de toutes les factions vont bon train
pendant que le Commerce, l'Industrie et l'Agriculture sombrent verticalement.
Les chômeurs, dont la majeure partie est sans secours, crèvent
de faim pendant que la spéculation internationale florissante
raréfie criminellement les denrées.
Nous voulons un Parlement qui travaille et non une loge de concierges.
Nous voulons le Pouvoir au Peuple du Travail; il gouvernera.
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L'HEURE DU TECHNICIEN
Au moment où tant de partis et de groupement
politique divers songent à organiser la lutte, pacifique ou violent,
pour le triomphe de leur plan, et le bonheur définitif, garanti
à l'usage, du Français moyen, chômeur et désargenté,
il conviendrait - peut-être? - de lui demander son avis et de
tenir compte de ses préférences, voire de ses critiques;
car, jusqu'ici, il est le dernier qu'on consulte sur les questions vitales
qui l'intéressent, et ce serait pourtant bien son tour qu'on
lui permit de choisir l'air de violon dont il ne cesse de faire les
frais.
Nous avons pour cela, peut-on dire, le suffrage universel et tous les
quatre ans, le glorieux privilège d'aliéner notre souveraineté
sur le nom de celui qui, pendant trois ou quatre semaines, aura le mieux
réussi à intriguer, car, pendant la période électorale,
les intérêts inavouables, les comitards, les agents électoraux
de tous poils rampent et grouillent sans relâche.
Tous les moyens sont bons pour abuser de l'électeur, le mettre
en confiance et, comme dans tout vol à l'américaine qui
se respecte, refiler au malheureux la liasse frauduleuse des promesses
électorales contre l'honnête bulletin de vote convoité.
A partir de ce moment, finie la souveraineté populaire imprescriptible
et inaliénable. Au parlement, un député pas nécessairement
malhonnête ou inintelligent deviendra le prisonnier d'un groupe,
d'une tactique, et forcé, qu'il en soit conscient ou non, d'obéir
à des mots d'ordre ou des consignes passées par ces forces
occultes irresponsables, ces puissances d'argent que des parlementaires
courageux et désabusés dénoncent de temps à
autre.
Toute indépendance est, là-bas, à peu près
réduite à l'impuissance et, si incomplet et si hâtivement
brossé qu'il soit, voilà le tableau fidèle de ce
qu'on a officiellement le front d'appeler la représentation nationale.
Etonnons-nous qu'une pareille caricature de représentation équilibrant
sa servilité ou son ignorance par les plus basses pratiques de
démagogie, aboutisse au gâchis effroyable dans lequel se
trouve aujourd'hui le pays toujours confiant, toujours trompé!
Etonnons-nous que, n'ayant rien vu de ce qui se passait, rien compris
à l'évolution admirable qu'inspirait la science et qu'animait
la technique, nos représentants à tous les degrés,
nos ministres, notre Exécutif, se trouvent aujourd'hui impuissants
en présence de la situation insensée et périlleuse
où les fortunes, privées et publiques, risquent de sombrer
tout entières.
Mais allez donc expliquer ça à nos politiciens de droite
ou bien de gauche. Tout ce que certains d'entre eux ont compris dans
l'aventure c'est : gauche, droite, gauche, droite, et voilà la
tactique de tout repos (pour l'esprit tout au moins) à laquelle,
pour nous tirer d'affaire, songent les plus cyniques, cependant que
derrière les animateurs de ces pauvreté on voit se profiler
l'ombre sinistre des trafiquants et des profiteurs de tous les lieux
et de tous les temps, ces puissances d'argent iniques pour qui tout
se monnaye : désespoirs, larmes, sang et famine, drapeaux et patries.
Soit! Peut-être?
Mais les temps sont changés! Une classe est née qu'on
a eu l'imprudence, ou le tort, d'arracher à ses travaux de laboratoire,
de bureaux d'étude ou d'atelier pour la jeter à la rue.
Le technicien, victime de la crise qu'il ne comprend pas encore, lui
qui a créé l'abondance, regarde autour de lui, stupéfait,
confondu.
Ce dévot serviteur de l'ordre mathématique, de la fonction
et du rapport exacts, est pris de nausée et d'indignation au
spectacle de ce qu'il considère comme un défi à
son oeuvre tout entière.
Quoi, il crée tout ce qui donne du prix à la vie, il guette
les moindres désirs de l'humanité pour les satisfaire
sur-le-champ, il trouve dans les ressources de la science les bases
d'une abondance et d'une richesse hallucinantes, et on aboutit à
la disette!
Pour vous éclairer, vous nourrir, vous vêtir et vous transporter,
le génie du technicien, de l'homme de métier, s'est prodigué,
soit qu'il allège votre effort dans le travail, soit qu'il nous
délasse et vous distraie par la variété des effets
artistiques qu'il sait encore tirer des ressources de sa technique,
soit, enfin, qu'il arme le praticien des merveilleux moyens chimiques,
physiques ou électriques qui permettent aujourd'hui de monter
une garde vigilante autour de votre santé.
Son effort créateur fait reculer tous les jours un peu plus l'ignorance,
la haine, la misère et le vice, et tout cela aboutirait à
la faillite générale, à la catastrophe, à
la faim, au sacrifice imbécile et au massacre des jeunes générations.
En vérité, nul César, nul satrape, nul potentat
de légende dans son faste et sa puissance suprêmes n'a
pu rêver de la splendeur de la vie que la technique de l'Occident
offre à ses enfants sous la forme de la production accélérée
et de l'abondance!
Imaginez, si vous l'osez, le monde privé subitement de la technique!
Si vous ne le pouvez pas, la question se pose dans vos consciences de
savoir si, en présence de ce magnifique bilan, vous serez complice
de la faillite organisée par l'incompétence et l'avidité
conjurées de tous les saboteurs de la fortune publique.
Si le néant des résultats obtenus en vue des redressements
indispensables vous apparaît dans sa désolante nudité
et si l'impuissance - d'aucuns diront la malfaisance - d'un système
politique sans vision, sans responsabilité, inhumain, est condamné
dans votre esprit à disparaître et à céder
la place à de plus dignes, alors, c'est bien simple!
L'heure politique du technicien et du professionnel vient de sonner!
Ce monde, que des conducteurs sans qualification mènent à
toute allure à la catastrophe, il va le guider et, de sa main
exercée, empoigner le volant de direction.
Il va, en réaliste, appliquer implacablement les principes victorieux
de la science à la conduite politique des affaires humaines,
et di on lui demande de quel droit il se substitue ainsi aux gouvernements
arbitraires, incapables et discrédités, il pourra répondre
qu'il tient ce droit de sa position même, car il a en main tous
les leviers de commande de la grande machine économique.
Limitant le champ de leur vigilance à ce qui avait trait à
leur profession seulement, les syndicats et les associations techniques
étaient, jusqu'ici, restés dans l'expectative. Aujourd'hui,
la machine politique, vieillote, démodée, se trouve en
face d'une situation alarmante que le régime qu'elle représente
a créée, mais qu'elle n'est nullement en mesure d'affronter.
Pour des raisons spécifiquement techniques, le monde se trouve
en danger, en très grand danger. Tout retard ajoute un risque
de plus et seuls, les aveugles se font encore des illusions sur l'issue
tragique qui nous menace tous à brève échéance.
Seul aussi, le technicien est qualifié pour trouver une solution
appropriée; seuls les syndicats et les associations professionnelles
peuvent prétendre dénouer cette situation et servir de
cadre à la réorganisation qui s'impose. Au surplus, si
la fiction démocratique a été respectée
aussi longtemps qu'aucun inconvénient grave ne s'était
révélé, le travail a un droit sûrement plus
sérieux à cette souveraineté qui réside
dans le peuple; car le peuple, ce n'est pas un meeting, ni une consultation
électorale, ni un référendum, ni un plébiscite,
ni rien de tout cela!
Le peuple est en permanence dans ses métiers, dans ses professions,
dans ses syndicats. Seule l'activité professionnelle permet à
l'homme et à la nation de subsister, seule elle qualifie un peuple
sur la voie de la civilisation.
Le peuple est là, et là seulement.
Techniciens et professionnels, tous donc à l'oeuvre, votre heure
sonne! Ralliement dans vos syndicats, vos groupements, en vue de la
reconstruction d'un monde nouveau où il y aura une place pour
chacun et où chacun sera à se place.
CH. D. FABER
NOUS VOULONS!
La destruction des barrières de classe et la
mise au service absolu de la Nation française de l'énergie
de chaque citoyen. Les sacrifices séculaires de nos aïeux
ont mis la Nation debout; notre génération a le devoir
impérieux d'élever au plus haut point de sa destinée
la France du Travail.
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A TRAVERS LE MONDE
ANGLETERRE
New English Weekly, 24 sept. 1935.
Cette revue, qui est l'organe de la «Douglas
Social Credit Association», publie dans ses «notes de la
semaine» le compte rendu de la propagande des idées sur
la nouvelle économie sociale. On y attaque, avec une belle énergie,
l'économie libérale décadente; les puissants du
jour, responsables des troubles et des risques de guerre actuels sont
traités comme il convient. Tout serait à citer; nous nous
bornerons à reproduire les conclusions de ces notes qu'affaiblirait
un commentaire :
«L'âge libéral du Free Trade était un purgatoire
et celui de l'Internationale noire de la finance satanique; mais l'âge
de la Finance impérialiste serait tout simplement l'enfer. De
cette menace infernale, nous n'apercevons aucun autre signe de délivrance
que celui de la révolte pleine d'espoir qui se répand,
principalement dans les Dominions en faveur du Crédit social
et contre la finance impérialiste.
«Notre foi ne réside pas dans la proposition de Sir Samuel
Hoare d'une conférence pour régler l'accès aux
matières premières, à moins qu'elle ne soit précédée
du succès du plan Aberhart.
«Car le recours aux emprunts étrangers est en train de
disparaître pour toujours; et seul le plan Aberhart peut ouvrir
un chemin en avant, par le Crédit social, au nationalisme économique
qui est le seul système économique international, un échange
des richesses plus large que jamais n'a conçu Manchester.
«A ce moment seulement l'Italie, nous-mêmes et les autres
n'auront plus besoin de rechercher soit la fausse gloire par le massacre
de peuples primitifs ou la fortune illusoire dans un désert pour
les singes»
***
U.R.S.S.
La Russie en route vers l'abondance
Bonne nouvelle pour les Russes. A la date du 25 septembre,
les autorités communistes ont aboli les cartes alimentaires pour
la vente de la viande, du poisson, du sucre, du beurre, de l'huile et
des pommes de terre. Cette mesure a été appliquée
à partir du 1er octobre.
Le Journal de Moscou du 27 septembre où nous puisons cette
information, ajoute qu'une baisse de 25 à 30% sur des prix de
détail de ces marchandises a été enregistrée,
ainsi d'ailleurs que sur beaucoup d'autres objets.
D'autres part, nous extrayons du rapport publié par F. Grenier
et lu aux Journées nationales d'Amitié, des chiffres qui
confirment la remarquable ascension du peuple russe vers le bien-être
et l'abondance :
«La production globale de la grande industrie a dépassé
de trois fois le niveau de 1928 et de quatre fois et demie celui de
1913. La production d'énergie électrique, condition nécessaire
à l'utilisation d'énormes richesses naturelles, et qui
a contribué à appeler à la civilisation toute une
série de régions éloignées et arriérées
de l'U.R.S.S., cette production d'énergie électrique est
dix fois plus forte qu'avant guerre (20 milliards de kilowatts eu lieu
de 2). De la quinzième place qu'occupait la Russie en 1913 elle
est passée à la troisième. En 19337, il y aura
79 centrales électriques qui produiront 38 milliards de kw.,
ce qui placera l'U.R.S.S. au premier rang des Etats de l'Europe.»
En France, il faudra se contenter des 13 milliards de kw, que veut bien
consentir à nous vendre très cher un consortium qui produit
le kw aux environs de 4 sous-papier.
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LES PROGRES TECHNIQUES
La marée montante
(De l'Information, 25-9-35)
New-York, 24/9/35 (par câble P.Q.).
- Je viens d'assister à la réunion du
Conseil économique de la Nouvelle Angleterre et j'ai constaté
que les industriels ont de plus en plus tendance à adopter toutes
sortes de machines permettant de réduire la main d'oeuvre employée,
en vue de se soustraire à l'incidence des lourds impôts
sur le volume des salaires; ces impôts commenceront à être
appliqués le 1er janvier prochain, en vue de subvenir aux frais
que vont comporter les nouvelles lois sur l'assurance chômage
et sur les retraites ouvrières. C'est ce qui explique pourquoi
les compagnies fabriquant des machines industrielles et du matériel
de bureau bénéficient actuellement de très fortes
commandes.
***
Un ligueur de la L.P.D.T.P.S. nous informe :
Nous avons fait, il y a un mois, une visite à un fabricant de
guidons qui, à notre étonnement, avait supprimé
un train de machines à étirer et souder les tubes en acier,
nécessaires à sa fabrication. Il employait une quinzaine
d'ouvrier à ce travail spécial.
A notre question, il nous répondit : «Chacune de mes machines
produisait 1 mètre par minute avec deux compagnons.
«Aujourd'hui, ces tubes me sont fournis par une entreprise qui
me les vend à mon prix de revient en les produisant sur une machine
à étirer d'un type nouveau qui produit 25 mètres
par minutes avec un seul compagnon.»
Soit un rendement comparé de 50 à 1; comment veut-on que
l'équilibre économique résiste à de pareilles
poussées. Que vont faire les 49 éliminés? Y songe-t-on?
Malgré une baisse de prix de 10% sur les prix de 1933, une affaire
très connue de fabrication de farine alimentaire spéciale
atteignait en 1934 le même chiffre d'affaires que l'année
précedente.
On jugera de l'augmentation du profit si nous révélons
que, grâce à une technique très poussée,
on atteignit la même production en ramenant en 1934 le travail
à 4 jours par semaine au maximum au lieu de 7 jours en 1933.
Les éliminés, eux, se débrouilleront. Qu'importe
s'ils meurent de faim, l'usine de fabrication alimentaire marche à
plein rendement!
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La destruction des richesses
UNE STATISTIQUE DE DEBACLE
Sous ce titre, le Matin publiait, ces jours-ci,
un article de M. Intérim. A propos, qui est M. Intérim?
De qui fait-il l'Intérim?
Citons textuellement :
«On vient de publier aux Etats-Unis une liste des marchandises
détruites en raison du manque de marché et pour la hausse
des prix.»
Au Brésil, au cours du seul mois de mars dernier, ont été
détruits 7 750 000 sacs de café. Aux Etats-Unis, ont été
tués et détruits dans le premier trimestre, 6 millions
200 000 cochons, 2 000 000 de tonnes de maïs ont été
dénaturées afin de les rendre impropres à la consommation.
A Los-Angeles, on jette 200 000 litres de lait par jour et 20 000 à
Hartford. Pour remplir le programme de diminution de 15% de la production
de beurre, on a dû tuer 600 000 vaches. Un million et demi d'oranges
ont été jetées à la mer en Californie pendant
le seul mois d'août et on s'est abstenu de procéder à
la récolte sur 10 000 hectares de fraises. Enfin, aux Indes,
à Ceylan et aux Indes Néerlandaises, on a diminué
de 15% la production du thé en en jetant à la mer 30 000
tonnes.
«Cela s'appelle l'économie dirigée et les économistes
disent que cela est fort bien.»
Non, Monsieur Intérim, c'est très mal.
L'économie dirigée vers la destruction des choses utiles
est abominable. Elle veut créer de la rareté afin de ressusciter
les profits.
Au contraire, l'économie dirigée doit faire augmenter
la production de toutes les choses utiles, afin que tous les hommes
puissent vivre de mieux en mieux.
Il y a donc économie dirigée et économie dirigée.
L'économie dirigée vers le passé; l'économie
dirigée vers l'avenir! La nôtre doit être dirigée
vers l'ABONDANCE. Comprenez-vous?
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Une histoire comique
Les cochons américains
En 1933, les prix du porc étant tombés
très bas, il fut décidé aux Etats-Unis la destruction
de 6 millions 188 717 jeunes cochons, dont la viande fut distribuée
en secours aux chômeurs.
En 1934, continuant la même politique, on distribuait 250 millions
de dollars aux agriculteurs qui consentaient à réduire
de 25% leur production de cochons et de 15% celle de blé; le
financement de l'opération était assuré par une
taxe que payait le consommateur, de 2 cents 25 sur la livre de porc
et de 5 cents sur le boisseau de blé.
Mais la sécheresse en 1934, le mauvais temps en 1935 ont réduit
les récoltes et les troupeaux. Le résultat est qu'en août
1935, la viande de porc est revenue aux prix de 1929, c'est-à-dire,
dans les circonstances actuelles, à un prix prohibitif pour les
bourses moyennes.
Alors on vient de décider qu'on ne paierait plus les agriculteurs
que pour une réduction de 5% des surfaces ensemencées
en blé et qu'on les paierait aussi pour les cochons, à
condition qu'ils en produisent le plus possible avec le blé qu'ils
récolteraient.`Comme les taxes subsistent, les consommateurs
américains paieront donc en 1935 et en 1936, 300 millions de
dollars sur le blé et les cochons, pour réduire une production
qu'on supplie maintenant les agriculteurs d'augmenter.
Et les United States News du 19 août 1935, qui nous racontent
cette savoureuse histoire, ajoutent que les âmes des 6 188 717
petits cochons sacrifiés empêchent le «Brain Trust»
de dormir.
Ed. CHARPENTIER
***
Nous lisons d'autre part, dans le Coopérateur
de France (18/8/35) qu'un magazine américain publie les chiffres
suivants :
«En 1934, 2 400 000 individus sont morts d'inanition; 1 200 000
se sont donnés la mort pour des motifs directement déterminés
par le manque de nourriture.
«D'autre part, la crise économique et la baisse des prix
ont provoqué la destruction d'un million de quintaux de blé,
de 267 000 wagons de café, 258 millions de kilos de riz et 25
millions de kilos de viande.»
Nous bornons là pour aujourd'hui nos citations que commente
notre rédacteur en chef en première page et nous suivrons
comme il convient dans l'avenir l'organisation du Pacte de famine.
SOTTISIER
Le mot «surproduction» figure toujours
dans le dictionnaire que vient de réviser l'Académie française;
mais il est à peu près complètement retranché
du langage courant, surtout en matière économique et agricole.
Jamais dans les manifestations oratoires et autres qui ont lieu dans
nos campagnes, il n'est fait la moindre allusion aux inconvénients
néfastes qu'il y a à produire plus qu'on ne peut consommer.
Ces inconvénients sont d'autant plus redoutables qu'avec le protectionnisme
universel cloisonnant chaque pays, ce qu'un pays produit en trop il
n'est pas sûr de pouvoir l'écouler ailleurs.
La «surproduction» existe plus que jamais. Si on ne veut
pas prononcer le mot, il faut au moins tenir compte de la chose. Voudra-t-on
bien admettre que seule est utile et bonne la production vendable?
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DANS L'AVIATION
S'il est un domaine dans lequel il est permis de constater
que la «Science dévore la Science», c'est bien celui
de l'Aéronautique.
Dans l'industrie automobile, le progrès va si vite qu'il est
impossible aujourd'hui d'amortir un matériel normalement : on
fait jouer la capital que l'on augment ou que l'on diminue, à
moins que l'on ne lui fasse subir alternativement les deux opérations.
En aéronautique, le problème est différent du fait
que la clientèle particulière est à peu près
inexistante et que l'Etat est le seul gros acheteur. Les constructeurs
lui font supporter tous leurs frais et bénéfices sur les
commandes qu'il passe. D'ailleurs, la concurrence ne joue que sur le
terrain technique, jamais sur les prix. A ce sujet, tout le ponde est
d'accord : l'Etat soit payer cher.
Ne nous étonnons plus qu'un moteur soit payé 250 000 francs
et le moindre trimoteur plus d'un million et demi. On invoque l'importance
des frais d'études et de prototype, et l'on dépense des
milliards sans parvenir à donner au pays l'aviation qu'il devrait
avoir.
Pourquoi donc telle usine spécialisée dans la fabrication
des moteurs en ligne dépense-t-elle des millions pour étudier
des moteurs en étoile à peu près semblables à
ceux fabriqués par une usine concurrente?
Pourquoi donc telle société aéronautique, qui s'était
consacrée à l'aviation lourde, se met-elle à construire
des avions de chasse?
L'actuel ministre de l'Air a décidé l'an dernier la concentration
des usines d'aviation afin d'éviter la dispersion des efforts :
pourquoi n'a-t-il pas usé de son autorité pour imposer
à chacun de ses groupements ainsi constitués une spécialisation
qui aurait eu pour résultat de perfectionner la technique et
de réduire les prix?
Il est fort à craindre qu'un tel problème soit difficile
à résoudre, car l'anarchie actuelle facilite les profits
qui sont la base du système actuel et qu'il est indispensable,
pour ceux qui y puisent, que le budget de l'aéronautique demeure
pléthorique.
L'aviation commerciale, malgré l'activité des dirigeants
d'Air France, reste la parente pauvre, parce qu'elle n'intéresse
que médiocrement des constructeurs en faveur de qui l'on a créé
un nouveau privilège.
D'autre part, personne ne s'intéresse vraiment à l'aviation
privée : l'heure de vol coûte beaucoup trop cher et il n'est
permis qu'à quelques privilégiés d'utiliser le
plus moderne des moyens de transports.
Qu'en conclure, sinon que l'aéronautique française souffre
du plus déplorable des étatismes : celui qui, pour subsister,
a été contraint de créer des privilèges
sous la poussée d'influences ne reculant devant aucun moyen.
Les ministres qui se sont succédés à la tête
du ministère de l'Air l'ont tous appris à leurs dépens
et le Service technique, dont les méthodes peuvent être
parfois critiquées, mais dont l'utilité est incontestable,
a dû, maintes fois subir les assauts acharnés des vampires
de l'Aéronautique.
Les grands inventeurs sacrifient tout à leurs idées, le
courage des pilotes et des mécaniciens est toujours désintéressé.
Hélas! là comme partout, la finance poursuit inlassablement
son oeuvre de corruption et de profits.
A.S.
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LES MEFAITS DE L'ECONOMIE...
DIRIGEE PAR LA RARETE
C'est celle que l'on pratique en grand aujourd'hui.
On vous dit : il faut vous restreindre; c'est la crise!
Mais on se restreint sans un pays où l'on manque de tout, comme
dans une ville assiégée.
Alors, il faut faire venir au plus vite ce qui nous manque, afin d'en
finir avec votre «grande pénitence»!
Si nous manquons de tout, pourquoi empêche-t-on les produits alimentaires
d'entrer en France?
Lisez l'Officiel du 10 octobre. Il prohibe les produits suivants,
qui n'ont plus le droit d'entrer chez nous, à aucun prix, et
en aucune quantité :
«Boeufs, vaches, veaux, taureaux,génisses, porcs, cochons
de lait, viandes fraîches et congelées, abats frais et
réfrigérés, conserves de viandes, suifs, saindoux
et graisses animales, lait complet ou écrémé, beurres,
miels, graisses, blé, millet, noix, tourteaux, etc.»
C'est donc que nous avons trop de tout cela. Alors, pourquoi la grande
pénitence?
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La vie juridique
LA REVOLUTION DES DECRETS-LOIS
Ne souriez pas. C'est un fait. Evidemment, les auteurs
des décrets-lois n'ont pas poursuivi un but révolutionnaire.
Ils ont eu, au contraire, le dessein de sauvegarder le régime
économique du capitalisme le plus orthodoxe. Les avocats de l'action
gouvernementale ont même sérieusement pensé que
les décrets-lois devaient écarter définitivement
les tracas et les soubresauts provenant de l'instabilité économique.
Pourtant, je le répète, M. Laval et ses collaborateurs
ont fait acte révolutionnaire. Parce qu'ils ont entendu réduire
les dépenses de l'Etat et équilibrer symboliquement un
budget en matière plastique? Que nenni. Mais bien parce qu'ils
ont porté la première atteinte officielle à certains
principes et certaines données qui représentent en quelque
manière la structure idéale du régime capitaliste
qu'ils ont eu pour prétention de défendre.
M. Jourdain faisait de la prose, comme M. Laval, jadis révolutionnaire,
l'est redevenu malgré lui. Je ne veux pas faire allusion aux
dispositions souriantes qui devaient assurer le triomphe de la déflation
(chez MM. les bouchers, par exemple) ni aux modifications apportées
au régime des faillites, des sociétés, du démarchage
ou même de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Il y eut là un effort utile qui, tout compte fait, exprime la
tendance à reviser certaines erreurs ou à adapter certaines
réalités à une époque précisée
dans le temps. Mais il y a d'autres décisions qui après
un examen à base pécuniaire sollicite l'attention des
sociologues et des économistes.
Ce qui anime l'esprit capitaliste dans la tradition, c'est le respect
des conventions privées, injustes ou non. Or, il a été
porté atteinte, par exemple aux conventions passées entre
propriétaires et locataires, prêteurs et emprunteurs hypothécaires.
Il fallait sauver le franc et déterminer un équilibre
des dépenses et recettes publiques. Bien sûr! Mais quel
coup de boutoir aux idoles! Sans doute, ce n'est qu'un commencement.
Mais quelle répercussion! On ne pouvait faire autrement... Que
diable! c'est bien cela, on ne pouvait faire autrement. Mais on ne pourra
plus faire autrement. Arrêtez-vous le progrès, la science,
les facilités de la production? Endiguerez-vous le flot de l'abondance
qui désespère les philanthropes de l'époque qui
ne conçoivent qu'un monde composé de riches et de pauvres,
de ventres plains et ventres creux.
On a exercé des prélèvements «de salut public»
sur les intérêts et même sur le capital. L'uniforme
réduction de 10% des loyers d'habitation a, en effet, atteint
la matière même du capital. La chambre syndicale des propriétaires
l'a écrit et son patriotique empressement n'exclut pas sa conscience
des choses.
Révolutionnaires... les mesures destinées à assainir
divers marchés, ceux du blé et du vin notamment, ne le
sont-elles pas? Pour revaloriser le blé, on a décrété
qu'on le dénaturerait, que les porcs s'empiffreraient, que l'Etat
consentirait des avances sur les stocks même s'ils entraient en
putréfaction. On a, pour maintenir le prix du vin, ordonné
des achats massifs destinés a être transformé en
alcool. Pour le blé et le vin, on a limité les champs
de production, voire même prévu que les vignerons gagneraient
plus à arracher leur vignes qu'à fournir au pays des produits
à bas prix. La révolution contre la nature a été
décrétée. Mais la nature et le progrès ne
sont pas régis par la Banque de France ni par le Comité
des Forges. Ils dominent les calculs mesquins des mandataires d'intérêts
privés qui tentent d'étayer un monde désuet et
presque évanoui par des moyens de fortune auxquels on a conféré
une forme définitive... qui ne dure qu'une semaine.
Propriétaires d'immeubles ou de fonds de commerce, sur quelles
bases envisagez-vous l'avenir? Paysans et industriels, comment déterminez-vous
les règles de vos efforts? Ce ne sont pas les détracteurs
du régime économique qui se meurt qui portent la responsabilité
de votre désarroi. Ses défenseurs ont été
contraints de prendre des mesures révolutionnaires. Ils ont tenté
d'enrayer la gangrène en coupant et rognant? Peine perdue. On
ne limite pas l'abondance, l'élan du progrès ni une plus
équitable distribution des richesses. On ne peut ni les abolir
ni les méconnaître. On les organise.
MARCEL BLOCH
Avocat à la Cour
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LA VIE MEDICALE
La ligue de la médecine
Les bénéfices que dans tous les domaines
apportera la réalisation du plan Duboin sont inconcevables. Notre
mentalité routinière est effrayée par les changements.
On dit, par exemple, que le travail des machines va donner aux hommes
des loisirs qui protégeront la paresse; or, au contraire, ces
bienheureux loisirs vont permettre de créer à tous ceux
qui aiment réfléchir, étudier; même plus
on pourra penser comme l'humanité ne l'a peut-être jamais
fait encore!
Mais le sujet est trop vaste et nous devons nous cantonner à
notre propre domaine. Dans la grande crise il y a une multitude de petites
crises, morales et matérielles, celle du corps médical
n'est pas la moins grave ni la moins douloureuse.
Traqué par les impôts, poursuivi par le terme, avec clientèle
de plus en plus restreint et appauvrie, le médecin parisien se
débat dans les plus grandes difficultés et perd beaucoup
de son prestige... La médecine doit rester un véritable
sacerdoce, mais que peut valoir celui d'un prêtre qui n'est pas
sûr d'avoir son église demain... On accuse la médecine
de vouloir se commercialiser et il y a malheureusement des médecins
qui abusent et, à ce point de vue-là également,
le public est victime. C'est pour cela que beaucoup d'entre nous depuis
longtemps avons réclamé la fonctionnarisation des médecins
comme d'ailleurs celle des avocats. Ces services publics doivent être
payés par l'Etat et il est profondément regrettable et
immoral que des questions d'intérêt particulier s'insinuent
là où la souffrance humaine est en jeu.
Il est vrai que la grande majorité des médecins en France
est hostile à la fonctionnarisation, mais c'est surtout à
cause de l'état actuel des choses où la politique et les
intrigues dirigent l'avancement.
Nous allons étudier un plan d'organisation de la médecine
à Paris, tel qu'il pourra s'organiser avec la grande révolution
qui vient, chose qui ne peut tarder à cause de la diminution
fatale et progressive du profit et du pourvoir d'achat causée
par le progrès du machinisme.
Mieux que n'importe quel argument, l'exposé de ce que sera la
médecine dans l'organisation future montre les bienfaits qui
nous attendent et la tristesse de la situation actuelle, autant pour
les pauvres malades que pour les pauvres médecins.
Pour le moment bornons-nous à quelques considérations
générales.
En principe on calcule qu'il faut un médecin pour mille habitants.
Paris et le département de la Seine ayant environ 6600 médecins,
on voit de suite que ce ne sont pas les médecins qui manquent,
au contraire, parce qu'avec des organisations centralisées, les
médecins pourront avoir beaucoup plus de loisirs.
La fin de la guerre je l'ai passée dans un centre spécialisé
de neurologie. Jamais je n'ai vu de malades si bien soignés.
Et vous allez comprendre facilement pourquoi.
Après un examen clinique minutieux et avec une feuille d'observation
complète, le médecin a besoin d'examens spéciaux,
d'analyses de laboratoire, qui viennent confirmer son diagnostic et
éclaircir les points restés douteux. Notre centre était
doté de services annexes, d'analyses cliniques, bactériologiques,
biologiques, de radiologie, de physiothérapie, d'électrothérapie
et d'hydrothérapie.
Il nous suffisait de signer un bon pour avoir une réaction électrique,
une réaction Wassermann (d'ailleurs obligatoire), un examen du
liquide céphalo-rachidien, une radiographie, etc., etc. Notre
examen examen était parfait et en signant d'autres bons nous
faisions faire aux malades des douches, des massages, de la physiothérapie,
etc., etc. Il n'y avait que pour les médicaments et surtout pour
les spécialités que nous étions un peu bridés;
mais il s'agissait d'organisations récentes et puis, c'était
la guerre.
Or, figurez-vous la situation dans la médecine courant. Vous
pensez comme médecin que le malade a besoin de tel ou tel examen,
mais immédiatement le malade demande : Docteur, combien cela me
coûtera? et vous hésitez devant tel examen supplémentaire.
Quelquefois, cela peut être grave. Je me souviens d'un jeune homme
de 24 ans qui est venu me consulter pour des battements de coeur. Il
avait la langue sale et cela semblait un cas banal. Heureusement ,e
savais qu'il était riche, et je me suis permis de lui conseiller
une radiographie. Cela semblait un luxe, mais il pouvait payer. Or,
à ma grande surprise, la radiographie a révélé
des plaques athéromateuses de l'aorte, c'est-à-dire de
la syphilis. Le jeune homme a commencé par nier puis il s'est
souvenu que son père prenait un sirop où il y avait du
mercure. Le traitement l'a complètement guéri et sa vie
a complètement changé. J'avoue que pour une chose si simple,
en apparence, je ne me serais pas permis de conseiller une radiographie
à un malade pauvre.
Et je ne parle pas de traitements. Tous les médecins nous sommes
arrêtés tous les jours à cause des prix des traitements
que les malades ne peuvent pas payer, même quand ils sont absolument
indispensables...
Je crois d'ailleurs que ce n'est pas nécessaire d'insister davantage,
même n'étant pas médecin, tout le monde doit reconnaître,
il me semble, ces vérités premières. A elles seules,
elles doivent imposer l'organisation sociale de la lutte contre les
maladies.
D'une façon générale, l'organisation de la médecine,
à Paris doit être basée sur l'établissement
de centre médicaux par quartier.
Ces centres fonctionneraient surtout le matin et comprendraient un service
de consultations de chirurgie; un service de consultations dentaire.
2e Un petit hôpital par arrondissement, comprenant des services
mixtes pour les personnes brusquement malades intransportables, les
accidents de la rue et les hospitalisations très courtes.
3e A la périphérie de Paris, les grands hôpitaux
et les hôpitaux spécialisés pour les accouchements,
les maladies des femmes, les maladies des enfants, le chirurgie, le
cancer, les maladies de la circulation et du coeur, les maladies de
la bouche, les maladies de la peau et vénériennes, les
maladies du tube digestif et des annexes, les maladies coloniales et
les parasites, les maladies des voies urinaires de l'homme, les maladies
nerveuses, les maladies mentales, les maladies du nez, de la gorge et
des oreilles, les maladies du poumon, la tuberculose, les maladies des
yeux, plus des centres spécialisés, celui de transfusions,
celui d'applications électriques spéciales, celui de massage,
etc.
Chacune de ces maladies que nous avons désignées exige
un hôpital spécial. Il y a en outre, comme nous l'avons
vu, les grands hôpitaux de médecine et de chirurgie. A
chacun de ces hôpitaux doit être annexé un pavillon
d'anatomie pathologique ou habitent des médecins spécialisés
et qui font les autopsies. Les autopsies doivent être obligatoires
et ne doivent jamais être faites par les médecins traitants;
ces derniers peuvent assister et même s'ils veulent aider l'autopsie,
mais celle-ci doit être dirigée par le médecin spécialisé.
C'est un contrôle très important et très instructif.
Dans l'aménagement des hôpitaux, avec l'organisation idéale
que nous envisageons il y a lieu de penser, dans tous les cas où
c'est possible, à la cohabitation de l'époux ou d'un parent
du client. Pourquoi ajouter aux souffrances de la maladie l'isolement,
quand il n'est pas nécessaire.
Dans une organisation aussi vaste beaucoup de points se présentent
à l'étude, celle d'un hôpital de contagieux ou simplement
des pavillons de contagieux dans les grands hôpitaux, celle des
maisons de santé pour des malades chroniques de très longues
durées, enfin les maisons des vieillards et de convalescents,
ces dernières n'entrant pas dans le cadre de l'organisation de
Paris.
Une autre question qui pourrait prêter à discussions est
celle des visites particulières. Le traitement des malades étant
socialement organisé, les médecins pourront-ils continuer
à exercer chez eux ou seulement dans les dispensaires ou les
établissements de quartier? Les malades légers pourront-ils
continuer à se soigner chez eux? Je réponds à ces
deux questions par l'affirmative, mais je serais heureux d'avoir l'opinion
de mes lecteurs à ce sujet.
Sachant par exemple que l'organisation centrale est parfaite,
absolument parfaite, une femme jeune, saine, avec une grossesse absolument
normale, pourra-t-elle continuer à accoucher chez elle, ou devra-t-elle
forcément aller à l'établissement central? Voilà,
par exemple, une question qui se pose. L'accouchement est un phénomène
normal, physiologique mais quand même des complications imprévues
peuvent subvenir. A l'établissement central, tous les secours
sont prêts. D'un autre côté, malgré tous les
soins les conditions d'aseptie à domicile ne peuvent pas être
aussi parfaites que dans l'établissement. Mais il y aussi le
côté moral, les semaines de séjour au lit obligatoires
seront plus agréables au milieu de la famille, chez soi, que
dans l'établissement pour si beau qu'il soit. Je le répète,
je voudrais connaître l'avis du lecteur à ce sujet, car
l'avenir doit avant tout apporter le bonheur et la joie.
C'est une question morale qui se pose. Scientifiquement la question
est résolue. De l'établissement spécialisé
on peut transporter l'accouchée chez elle, sans risques, au bout
du 12e jour, dans une ambulance. Mais vous, public, vous, femmes, acceptez-vous
de bon gré qu'il soit absolument défendu, dans votre intérêt
d'ailleurs d'accoucher chez vous?
Naturellement toute cette question comporte une foule de parties et
chaque détail doit être étudié à part.
Il y a par exemple le principe de la gratuité absolue, mais est-ce
que certaines choses ne devront pas être payées? Pour moi
j'espère que non, mais comment limiter les abus?
Une autre question capitale est celle du service d'urgence, des accidents
aigus des maladies (hémorragies, ruptures, etc., etc.), des accidents
de la rue, enfin tout ce qui comporte l'urgence. Paris à ce point
de vue là est une des dernières villes du monde en ce
moment.
Une autre question aussi capitale est celle du triage. Aujourd'hui le
malade va où il veut, or c'est le médecin qui doit lui
indiquer à quel service et à quel établissement
son cas appartient. Le triage vers la fin de la guerre était
admirablement fait.
(A suivre)
Dr H. JAWORSKI.
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CHRONIQUES DES LOISIRS
Chaque jour plus libéré par la machine
de la servitude du travail, l'organisation des loisirs prendra pour
l'homme de demain une importance toujours plus grande. Elle tendra à
donner à la vie de chacun cet équilibre harmonieux qui
fut l'apanage d'une élite dans quelques sociétés
antiques.
Elle formera d'abord des êtres sains, elle développera
leur goût des belles choses, sport, arts, voyages, fêtes,
repos combleront les heures libérées du travail...
Anticipations. Nous en sommes loin. La société actuelle
ne donne abondamment ces biens qu'à ceux qui ont le moins besoin,
qu'à ceux que le travail absorbe peu ou point.
Qu'offre-t-elle aux autres? Et d'abord, quels loisirs leur laisse-t-elle?
Ne parlons pas des loisirs forcés laissés à un
nombre croissant de chômeurs et pour lesquels rien n'est organisé.
Circulez pour vous en convaincre les jours de semaine dans la banlieue
parisienne et vous verrez les groupes lugubres y traînant sur
les places et dans les rues, attendant la reprise promise qui ne viendra
jamais.
Mais les autres, ceux qui travaillent encore. Ils ont les soirées;
ils ont les dimanches. Qu'en faire avec un budget restreint, un pouvoir
d'achat diminuant sans cesse?
Le cinéma, le théâtre, rarement; la radio achetée
à tempérament ou écoutée chez un voisin
et complétant si bien le rôle abrutissant de la grande
presse. Et le dimanche? jour du loisir, rien n'est plus lamentable que
de voir dans les parcs et les jardins publics étriqués
de ce Paris étouffé par la brique, la théorie lamentable
des familles en promenade, traînant leurs gosses, le père
grognon, la mère fatiguée avant le départ par le
ménage et la préparation de sa nichée. En province,
un peu plus d'air, mais pas plus drôle.
Et pourtant quel désir d'évasion chez tous ces gens; avec
quelle ferveur ils se ruent vers les fêtes, les rares fêtes
gratuites que de pauvres imaginations leur offrent, toujours les mêmes,
si rares.
Quel désir de grand air, d'épanouissement physique chez
cette jeunesse qui sous le maillot et dans les stades ignore les classes
sociales et ne connaît que la joie des luttes sportives.
Tout entière elle réclame le droit à la culture
complète, celle du corps comprise. Mais on la courbe dix heures
par jour dans des classes surpeuplées pour mieux lui apprendre
comment la jeunesse grecque partageait son temps entre l'étude
et le stade. Et l'Université reproduit sans se décourager
son type idéal : le professeur myope, au dos rond et à
la poitrine creuse, blafard, cagneux et craignant l'eau.
Ah! M. Lafont, ministre de l'Hygiène et des Sports, peut toujours
- après avoir sentencieusement ordonné à nos athlètes
de vaincre les Allemands, avec le résultat que l'on connaît
- mettre le Conseil des ministres au courant de son programme d'amélioration
de notre organisation sportive. Ce n'est pas lui qui peut faire quelque
chose pour la jeunesse. C'est son collègue de l'Instruction publique.
Et il est douteux que l'actuel titulaire réduise les programmes
d'études que le Garde des Sceaux a lui-même établis.
Alors, tant que chaque école, collège, lycée, faculté
n'aura pas son stade et sa piscine, tant que les enfants sous la surveillance
et le contrôle des médecins sportifs n'y passeront pas
au moins trois après-midi par semaine, rien n'aura été
fait pour la santé et l'équilibre des jeunes.
Et c'est le premier, l'indispensable et urgent effort à faire
pour l'utilisation sportive des loisirs.
***
Pour la jeunesse, la pratique des sports exige déjà
des dépenses assez importantes et un enthousiasme qui ne recule
devant aucune difficulté, les stades étant loin et la
journée remplie par les études. Mais ce n'est rien encore
si on les compare à l'héroïsme nécessaire
à un homme fait désirant conserver sa souplesse et sa
force, et ne disposant pour cela que de ses heures de loisir. S'il habite
Paris, il vit en général loin de son travail et passe
de une à deux heures par jour dans des moyens de locomotion divers.Il
ne lui reste que la ressource de la culture physique chez soi, très
insuffisante et pénible, et le sport du dimanche. Mais où
pratiquer? Les clubs sont chers, lointains et mal organisés.
Quand on a visité à l'étranger les belles installations
où dans un cadre riant, des familles entières passent
leurs journées de repos, pratiquant jeux et sports qui conviennent
à chaque âge, profitant d'un restaurant économique,
de douches, de piscines, et quand on compare ces installations les quelques
terrains pelés, sans confort et sans attraits de la banlieue
parisienne, on s'étonne moins de l'aspect physique lamentable
de nos foules, de leur avachissement, de leurs bedaine, de leurs odeurs.
Si l'on avait fait pour elles le dixième des dépenses
faite pour l'amélioration de la race chevaline - heureuse race
chevaline qui elle bientôt ne travaillera plus et ne fera plus
que du sport : courir et sauter - on aurait couvert la zone de stades
riant, reliés aux divers quartiers par des moyens rapides de
transport et permettant à tous les citadins sédentaires
ce qui leur est plus nécessaire qu'à d'autres. Peut-être
alors au bout de quelque temps s'apercevrait-on que les hôpitaux
et les «sana» reçoivent moins de malades.
Les terrains sont là : la zone, lèpre ignoble qu'on ne
peut, paraît-il, supprimer avant 1965. La main d'oeuvre aussi :
les chômeurs.
Et puisque dans l'absurde régime actuel il faut compter sur la
«phynance» et bien la voilà aussi. Ecoutez plutôt :
J'ai fait partie dans une grande ville de l'Amérique de Sud d'un
club splendide : vestiaires, restaurant, salles de lecture, salles de
douche, 3 piscines, un stade, 8 terrains de football, 2 pistes de courses
à pied, jardins et garderie d'enfants, terrains de basket-ball,
agrès, 45 courts de tennis (j'ai bien dit 45), cotisation 10
francs par mois (moindre pour les scolaires). Et savez-vous comment
tout cela avait été édifié? Une loi spéciale
avait, moyennant certaines obligations (prêt gratuit des terrains
le matin aux écoles, contrôle, etc.) affecté à
ce club, la totalité des lots non réclamés de la
Loterie Nationale. Il recevait de ce chef 5 à 6 millions par
an.
Voilà une belle utilisation de l'argent des poires et des négligents,
ne croyez-vous pas, Monsieur Lafont, dont la bonne volonté s'épuise
devant des crédits squelettiques?
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GROUPE DYNAMO
Cette rubrique, placée sous l'égide
de DYNAMO, traitera des sujets de documentation, d'information et les
lecteurs y trouveront une série d'articles techniques, complétant
nos informations.
Nous vous présentons aujourd'hui le groupe DYNAMO, et pour cela,
nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ici le manifeste qui préfacera
le premier ouvrage de ce groupe :
On connaît les méthodes d'action pratiquées
par les J.E.U.N.E.S., méthodes qui consistent à confier
un travail déterminé à des équipes spécialisées.
Très rapidement, la commission économique acheva ses études
sur les causes de la crise et commença à prévoir
les grandes lignes d'une économie nouvelle, naturellement engendrée
par le développement formidable du machinisme, accroissant d'une
part le chômage et d'autre part l'abondance des richesses.
Si les chiffres du chômage pouvaient être connus par les
soins des statistiques officielles - encore que la confiance que l'on
peut accorder à ces dernières doive être bien limitée
- les chiffres exprimant les richesses et les facultés de production
de la France restaient résolument inconnus. Devant cette carence
de chiffres et par conséquent d'éléments fondamentaux,
toute tentative de travail constructif était voué à
l'échec.
Les J.E.U.N.E.S. décidèrent donc de s'entourer de techniciens
compétents, représentant toutes les branches de l'activité
économique et sociale, techniciens qui pourraient fournir des
chiffres et des courbes concernant leur spécialité et
qui, par ailleurs, sauraient faire l'effort de ne pas mêler à
leur travaux - essentiellement scientifiques - la marque de leurs opinions
politiques; et ce fut, de concert avec la Ligue du Droit du Travail,
dont les membres ressentaient aussi intensément la nécessité
d'un organisme de documentation, la fondation du groupe DYNAMO.
Pour bien marquer le caractère technique et impartial des recherches
entreprises, il fut formellement spécifié que DYNAMO serait
intégralement autonome et accepterait comme membre tout spécialiste
ou technicien - quelles que soient ses opinions politiques - désireux
de collaborer à l'oeuvre commune du recensement des richesse
de la France et de ses possibilités de production.
La formule s'est révélée excellente. DYNAMO connut
rapidement l'adhésion de nombreux techniciens qui se répartirent
en commissions et commencèrent leurs travaux.
Plusieurs conférences publiques, qui revêtaient à
la fois le caractère de séance d'étude et d'amicales
causeries scientifiques, donnèrent la preuve que DYNAMO était
viable et grandissait, au point que nous dûmes envisager une limitation
du recrutement.
A nos deux dernières séances d'étude où
nous n'attendions que deux cents spécialistes, nous eûmes
un public très nombreux (un millier de personnes à la
dernière réunion) où nous trouvâmes un pourcentage
exceptionnel de techniciens.
Très prochainement, une revue sera publiée,
qui permettra aux Français de connaître leurs ressources
actuelles et celles dont ils pourraient disposer si le progrès
technique était rationnellement appliqué.
Cette revue leur révélera aussi des chiffres qu'on leur
a tenus jusqu'à maintenant savamment cachés, et qui exprimeront
les quantités d'énergie et de matières, le nombre
d'hommes et de machines nécessaires et suffisant pour les combler
de richesses.
A la lecture de cet ouvrage, beaucoup s'apercevront que les causes du
chômage et, partant, de la crise sont complètement étrangères
aux raisons qu'on nous en donne officiellement et que toute doctrine
économique qui, de nos jours, ne s'appuie pas sur des chiffres
de production et de consommation constitue une véritable escroquerie.
JOVE.
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Nouvelles Energies Féminines
Sous le nom d'ENERGIES NOUVELLES s'est formé
un groupement féminin, indépendant des J.E.U.N.E.S.
Son but est de préparer, pour la société telle
qu'elle surgira des travaux entrepris par le groupe DYNAMO, des bases
solides et précises, au point de vue philosophique et culturel.
Les femmes qui le composent croient avoir compris : elles s'adressent
à toutes les autres femmes pour les faire comprendre, à
leur tour, l'absurdité de leur existence. En un temps où
le machinisme et la technique ont atteint un développement tel
qu'un minimum de travail procure un maximum de bien-être, en ce
temps qui pourrait être l'«âge d'or», que des
femmes consentent à travailler comme des esclaves pendant seize
heures par jour semble un défi au bon sens. Et c'est un exemple
entre cent : le mode d'exploitation de la femme, que ce soit au foyer,
au bureau, à l'atelier ou sur le trottoir, revêt les formes
les plus variées.
C'est tout simplement monstrueux. Et d'autant plus qu'elles subissent
cette vie anormale comme un état naturel et intangible... Elles
la subissent... sans joie, évidemment; elles se plaignent, se
lamentent, mais là s'arrête leur révolte, purement
stérile.
Nous refusons de continuer à «vivre» de cette façon.
Cette vie absurde, il faut en changer.
Une chose nous frappe tout d'abord : c'est que la misère, la vraie,
celle qui, à la déchéance physique, ajoute la déchéance
morale, bien souvent celle-là ne se voit pas, ou si peu qu'elle
semble une exception.
Que l'on fasse le recensement de tous les sans-logis, de tous ceux qui
usent lamentablement leur journée entre la soupe populaire et
l'asile de nuit, et l'on sera étonné de leur petit
nombre. Ils sont surtout le déchet des grandes villes. Cette
misère-là, reconnue, chiffrée et étiquetée,
celle sur laquelle aussi on s'apitoie le plus volontiers, par snobisme
ou pitié réelle, celle-là ne représente
qu'un tout petit côté de la grande misère humaine.
Mais combien d'êtres mettent leur fierté à «ne
rien demander à personne»? Combien de femmes réussissent
ce tour de force de «joindre les deux bouts» avec un pouvoir
d'achat de plus en plus réduit?
Tous ceux-là et les autres représentent plus de la
moitié des Français. La misère ne serait donc
plus l'exception, mais la règle? Est-ce normal? Est-ce logique?
Ca l'est si peu que, j'en suis sûre, on ne nous croira pas. C'est
bien simple, nous le démontrerons avec des chiffres. Il nous
suffira de gratter un peu la surface, le petit plâtrage de dignité
qui recouvre la vie intime des individus, pour découvrir le visage
réel du monde actuel avec ses lézardes, ses plaies monstrueuses,
le chômage qui épuise la résistance morale des êtres
et les traîne lentement de la honte au désespoir ou, au
contraire, cette espèce d'inconscience qui frappe les plus sains
et les retranche de la vie. Ne croyez-vous pas qu'une telle vision,
exprimée et contrôlée, suffit à justifier
une société nouvelle?
La partie négative de notre travail terminée, il nous
faudra construire; donner, à cette société nouvelle
les bases qui permettront aux techniciens d'assurer l'équilibre
de l'armature économique qu'ils ont créée.
Il nous faut, sur le plan social et culturel, lui donner un sens tel
que nous jouissions enfin de cette vie normale, celle à laquelle
nous aspirons tous, et qui n'est possible que grâce à une
organisation rationnelle et harmonieuse des besoins de l'individu.
Déterminer rationnellement ce que chacun doit consommer et en
déduire le nombre d'heures qu'il doit fournir, c'est la tâche
que nous, camarades du groupe DYNAMO, à laquelle nous nous associerons
pour toutes les questions qui nous intéressent directement ou
pour lesquelles nous avons quelque compétence : bien-être
matériel de l'enfant, de la famille en général,
travail des femmes, etc.
Mais il reste ce que nous avons appelé l'«organisation
harmonieuse des besoins de l'individu».
Le bien-être matériel, le confort, le travail rendu plus
facile et moins absorbant grâce aux progrès de la technique,
créeront des loisirs. D'autre part, l'enfant, l'adolescent ne
seront plus immédiatement réclamés par la société
pour assurer les besoins collectifs. L'organisation de ces loisirs,
les fondements et la portée d'une éducation intégrale
et rationnelle seront l'essentiel de notre plan constructif.
Tout cela que nous proposons de faire peut paraître bien ambitieux.
Si vous voulez considérer, d'abord, que c'est nécessaire,
ensuite que c'est possible, nous avons raison de l'entreprendre.
D'ailleurs, toutes ces questions se tiennent étroitement et nous
les avons groupées de manière à dresser un plan
de travail net et précis.
Résumons-les brièvement :
1° Etaler en une sorte de tableau toute la misère actuelle,
en montrant la sous-alimentation, l'entassement des villes, l'insuffisance
vestimentaire et la déchéance morale que toute cette misère
entraîne.
En chercher les causes : mauvaise organisation de la production en fonction
des besoins de la consommation. Est-il possible de la supprimer? Oui,
puisque des techniciens nous apporteront des vases précises d'organisation
matérielle. Ils nous prouveront que chacun peut être nourri,
logé et vêtu confortablement, sans qu'il lui soit nécessaire
pour cela de travailler comme un forçat. Nous aurons à
démontrer, d'autre part, que la sous-alimentation ne dépend
pas toujours de l'insuffisance des aliments, mais souvent de leur mauvais
emploi;
2° Etudier en particulier le sort réservé à
la femme dans la société actuelle; les conditions
dans lesquelles elle travaille; montrer qu'il n'y a aucune raison pour
que tous les travaux de ménage lui incombent en dehors du travail
social qu'elle devra assurer, pourquoi ne pas apprendre aux garçons
aussi bien qu'aux filles à partager ces travaux, qui seront d'ailleurs
grandement simplifiés par la vulgarisation des appareils ménagers?
D'autre part, réserver dans le plan culturel une place à
l'éducation de la femme en tant qu'être humain. Il est
grand temps qu'elle prenne conscience d'elle même, de sa personnalité,
condition essentielle de l'équilibre de son foyer et de l'harmonie
du couple;
3° Etablir un projet d'Education rationnelle qui assure le
développement simultané, harmonieux, de toutes les facultés
de l'enfant. C'est l'être normal, au corps sain, à l'esprit
libre, qui est l'image et en même temps la cellule de la société
telle que nous la concevons;
4° Enfin, il est bien évident que la Paix étant
la condition nécessaire de notre vie, il ne saurait être
question pour nous de la tenir en dehors de nos préoccupations.
Quelques-unes seront peut-être découragées par l'oeuvre
immense que nous prétendons entreprendre. Elle ne paraît
telle que parce que nous avons voulu coordonner et compléter
des efforts qui, jusqu'ici isolés, vont souvent à l'encontre
les uns des autres.
Mais, de par son étendue, notre travail exige les collaborations
les plus diverses et les plus abondantes. Toutes les femmes, quelles
que soient leur situation sociale et leur profession, peuvent nous apporter
leurs idées, leurs observations, les fruits de leur expérience
ou leur jeune enthousiasme. Chacune aura ainsi donné sa part
au travail collectif, lui assurant la richesse d'abord, puis la rapidité,
qui sont la condition même de notre réussite.
Marguerite RODE.
| N° Suivant (1968) >
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